Christine de Pisan

Christine de Pisan

vendredi 12 octobre 2007

Affaire Fanny Truchelut : édito de Riposte laique

Lettre ouverte à Caroline Fourest et à tous ceux qui nous reprochent de soutenir Fanny
jeudi 11 octobre 2007

Fanny Truchelut a donc été condamnée, mardi 9 octobre, à 4 mois de prison avec sursis, à 8.490 euros d’amende et de dommages et intérêts !

Mesurons bien le scandale d’un tel verdict ! Une femme de 54 ans, qui n’a jamais commis le moindre larcin de sa vie, prend de la prison avec sursis, comme un vulgaire délinquante, pour s’être opposée à une provocation d’une militante islamiste dans son gîte.

Elle devra donc acquitter 3.500 euros pour dédommager Horia Demiati et sa famille, et 1.300 euros pour chacun de ses soutiens, le Mrap, la LDH et la Licra ! Chapeau bas, messieurs !
Fanny a annoncé immédiatement sa décision de faire appel, nous aurions respecté, quoi qu’il arrive, sa décision. Les questions posées par ce procès soulèvent des débats internes importants, notamment dans la mouvance laïque et féministe. Mais au-delà, le constat est malgré tout limpide : il n’y a pas eu beaucoup de militants du mouvement social qui ont soutenu l’accusée.

Sans aller aussi loin que les abjectes accusations de racisme, véhiculées par le Mrap, la LDH et la Licra locale, de nombreuses associations se sont réfugiées dans un silence prudent. Cette discrétion avait deux causes essentielles : le choix d’Alexandre Varaut, comme avocat, et la peur d’apparaître défendre une conception liberticide de la laïcité, tournée contre les seuls musulmans.

Mais, à la veille du verdict, certains ont choisi de rompre ce silence, en enfonçant par ailleurs encore davantage Fanny Truchelut. Une association familiale laïque, dans un communiqué de presse surprenant, renvoie dos-à-dos les islamistes, le Mrap et la LDH, ainsi que tous ceux qui défendent la logeuse. Elle les accuse, d’autre part, ainsi que Fanny, de pactiser avec l’extrême droite catholique, rien de moins !
Sur le site Prochoix (http://www.prochoix.org/cgi/blog/index.php/2007/10/06/1759-laicite-la-clarification-est-un-combat-a-propos-de-l-affaire-d-epinal), Caroline Fourest, dans un premier article intitulé « Laïcité, la clarification est un combat », tente d’expliquer à « ses amis de Riposte Laïque » qu’ils se trompent de terrain en soutenant la propriétaire du Gîte des Vosges, dont elle condamne sans appel la démarche.
Elle voit dans notre « erreur » une dérive de militants sincères, dégoûtés par les islamogauchistes, et nous suspecte ouvertement, elle aussi, de nous asseoir à la même table que l’extrême droite catholique pour lutter contre l’intégrisme islamiste. Elle nous reproche, par ailleurs, une conception de la laïcité contraire au respect des libertés individuelles, et tournée contre les religions.
Dans un deuxième article, http://www.prochoix.org/cgi/blog/index.php/2007/10/11/1767-affaire-des-vosges-un-jugement-severe-mais-qu-il-faut-accepter-caroline-fourest, reprenant la même argumentation, elle va jusqu’à estimer juste la sanction qui frappe Fanny !
C’est un coup de poignard supplémentaire contre Fanny Truchelut, d’autant plus difficile à accepter qu’il vient d’une personne qu’on ne peut accuser de complaisance envers tous les intégrismes, dont l’intégrisme islamiste.

Nous sommes d’autant plus sensibles à ces textes, d’autre part, qu’ils sont rédigés par une amie, et que sa thèse est reprise, vu la notoriété de Caroline, par d’autres sites. Nous avons mené avec Prochoix et sa rédactrice en chef des combats communs, il y a encore peu. Nous avons répondu aux mêmes adversaires, parfois dans des réunions publiques, parfois à travers des textes communs. Mais ces deux textes ont ceci de bon qu’ils permettent enfin de lancer, publiquement, dans la transparence, un vrai débat entre plusieurs conceptions d’une laïcité confrontée aux données nouvelles du 21e siècle.

Nous n’avons pas envie de « combattre » Caroline Fourest, ni ceux qui relaient sa thèse, mais de débattre fraternellement avec eux, sur le fond. Nous le faisons d’autant plus volontiers que nous savons cette femme courageuse capable d’évoluer. Ainsi, sur la question aujourd’hui sensible des accompagnatrices voilées, Caroline, dans un premier temps, était sur les positions que défend aujourd’hui la Halde. Des contacts amicaux, notamment avec notre ami Jean-François Chalot, l’ont convaincue de son erreur, qu’elle a su admettre. C’est donc avec sérénité que nous abordons les divergences qui nous opposent à elle, aujourd’hui.

Evacuons d’abord l’idée saugrenue émise par la rédactrice en chef de Prochoix, en fin de texte, sans doute sous forme d’humour, de faire fuir les femmes voilées en projetant dans les parties communes des pornos lesbiens. Pourquoi des pornos lesbiens et pas hétéros, par ailleurs ? Caroline considère-t-elle que toutes les femmes voilées seraient lesbophobes ?

Plus sérieusement, répondons d’abord sur le choix de Varaut. Quand Prochoix ou les associations qui lui reprochent cela ont-ils pris contact avec Fanny Truchelut ? Quand ont-ils au moins essayé de discuter avec elle ? Quand lui ont-ils proposé les moyens de prendre en charge sa défense, comme Villiers a eu l’intelligence de le faire ?

Où étaient-ils quand Fanny essayait, seule, sans réseaux militants, sans argent, d’appeler au secours, en envoyant des courriers électroniques aux rares adresses qu’elle connaissait ? Nulle part, ils l’avaient déjà condamnée, intoxiqués par la rumeur véhiculée par les islamistes et leurs alliés du Mrap, la suspectant de racisme.

Nous avons mené des combats contre les amis d’Alexandre Varaut, et nous en mènerons sans doute d’autres, demain. Mais le choix de cet avocat est d’abord la conséquence de la politique de la chaise vide de celles et ceux qui, aujourd’hui, se croient autorisés à faire la leçon à la propriétaire du gîte des Vosges.

Par ailleurs, notre liberté de conscience nous autorise à dire qu’il a été excellent, dans son plaidoyer pour défendre Fanny. Nous publions les notes prises par Annie Sugier, pour laisser chacun en juger.

Mais la question de l’avocat n’est qu’un aspect du problème. Sur le fond, il y a un vrai désaccord quant aux réponses à apporter à la progression du nombre de voiles en France, et à l’offensive islamiste qui se cache derrière.

Beaucoup de femmes qui portent le voile islamique en France le veulent bien. Elles se discriminent elles-mêmes en portant un stigmate. Qu’elles prétendent l’imposer dans l’espace public et aient ensuite l’insolence de se plaindre de discrimination est intolérable. La liste est longue des procès intentés par les tenants de l’islam politique pour faire reculer la République et imposer des pratiques issues de la charia.

Fanny Truchelut a demandé à sa locataire d’ôter son voile, parce qu’elle le considère comme un signe de soumission des femmes. Pourquoi n’en aurait-elle pas le droit, alors que le choix de sa locataire en serait un ? Pourquoi tolérer que des femmes doivent se dissimuler dans l’espace public ? Quelles représentations des rapports entre les femmes et les hommes cela induit-il chez les enfants : femmes source de désordre, hommes incapables de maîtriser leurs pulsions sexuelles à la vue de la moindre mèche de cheveux ? Comment construire le principe d’égalité en droit entre les hommes et les femmes dans ces conditions ?

Dans le long combat des femmes pour leur autonomie, la lutte contre la soumission, à des hommes ou à des dieux, est un préalable. Pourquoi soutenir celles qui exigent de porter un signe de soumission et traiter celles qui le refusent de racistes ? Serait-ce parce que l’une s’affirme de confession musulmane et l’autre non ? Y aurait-il des droits différents, en France, selon la religion des personnes ?

Les temps se radicalisent, comme en 1900 où il a pu se trouver que l’on interdise sur la voie publique le port de la soutane par arrêté municipal, au Kremlin Bicêtre. Le temps était à l’affrontement. Il a fallu en passer par là, indéniablement, parce que la religion faisait la guerre aux libertés. L’acte de Fanny, dans un contexte nouveau, ne se situe-t-il pas dans la même lignée ? Mais la religion n’est pas la même, c’est là que le bât blesse !

Les tergiversations de certains de nos amis sont le résultat du travail de sape des prédicateurs islamistes. Il faut oser dénoncer les attaques de l’islam politique sans peur d’être accusé de racisme. Il a fallu quinze ans pour que les parlementaires se décident enfin à voter une loi pour protéger les jeunes filles dans les écoles. Mais depuis le vote de la loi, l’offensive se déroule sur d’autres fronts.

Ainsi, dans l’espace public, de plus en plus de fillettes et de jeunes filles mineures portent-elles ce marqueur de discrimination sexuelle, manifestation archaïque et « claustrante » de l’oppression des femmes. De plus en plus de femmes sont enveloppées dans un « niqab » qui les couvre entièrement. C’est leur voler leur identité puisqu’elles ne doivent pas être identifiables. Il s’agit de maintenir l’enfermement des femmes afin que même dehors, elles restent « dedans ».

Pourtant, au nom d’une conception « puriste » de la laïcité, les conséquences de ces faits sont totalement sous-estimés, voire occultés. On entend certains laïques expliquer qu’à partir du moment où les règles sont appliquées dans l’espace public (à savoir l’école, jusqu’au bac, et les services publics), le reste relèverait de la liberté individuelle. Avec ce type d’arguments, ils défendent donc le voile à l’université, puisqu’il serait un choix librement effectué par des majeurs, et se refusent à prendre toute mesure contre son offensive, dans d’autres secteurs de la société. Fort logiquement, cette position les amène à se démarquer de Fanny Truchelut et de ceux qui la soutiennent.

Cette posture, « laïquement correcte » montre pourtant rapidement ses limites. Qu’est-ce qu’un discours laïque, quand son application revient à laisser les mains libres aux pires adversaires de la laïcité ?

Il n’y a pas d’un côté des laïques intégristes, et de l’autre les gentils laïques raisonnables et tolérants. Nous sommes simplement, à Riposte Laïque, des laïques déterminés, qui mesurent les enjeux et la réalité d’une radicalisation de l’islam politique, danger essentiel pour notre société et la République. Cela n’a rien à voir avec le choc des civilisations, mais avec une actualité de tous les jours en France. Il faut se situer aujourd’hui sur le terrain de nouvelles conquêtes de la laïcité face à ce péril mortel, et ne pas fuir les débats que cette nouvelle période ouvre.
Peut-on laisser les chefs de l’islam politique opprimer tranquillement leurs coreligionnaires, surtout les femmes, et considérer que cela ne nous regarde pas, puisque cela est dans la fameuse sphère privée ?

Nous préférons considérer avoir le droit et le devoir de combattre celles et ceux qui veulent perpétuer ces traditions et soutenir celles et ceux qui veulent faire accéder les femmes -donc leurs familles - aux droits pour lesquels nous nous battons pour les femmes d’Europe.
Est-il encore nécessaire de rappeler que le voile islamique est l’étendard et le cheval de Troie de l’islam politique ? Faut-il souligner que tous les pays européens sont confrontés à cette question ? Faut-il fermer les yeux sur la multiplication des voiles, en France, et sur le nombre de procès intentés par les islamistes, pour intimider ceux qui osent résister ? Dès que l’islam politique prend le pouvoir dans un pays, la première mesure est de voiler les femmes et les fillettes de la manière la plus claustrante possible.

Le voile islamiste, sa progression dans la rue, l’offensive qui se développe autour, agresse de plus en plus les citoyens de ce pays, qui y voient, à juste titre, une « tentation obscurantiste » par l’instrumentalisation politique de l’islam. C’est manquer de discernement que considérer la défense de la dignité des femmes, de toutes les femmes, quelles que soient leurs origines ou croyances, vivant sur le territoire, comme du racisme.

Certains de nos contradicteurs se réclament de la lutte contre l’extrême droite, objectif que nous partageons. Mais leur discours atteint rapidement ses limites, quant au but recherché. Ne pas réagir au voile pour les mineures, ne pas réagir au voile à l’université, ne pas réagir à la burka dans la rue, et surtout ne pas défendre celles qui, comme Fanny, ont ce courage, témoigne d’une vision manichéenne, dépassée et dangereuse, de la société qui mène à une impasse. Cela ne peut que jeter dans les bras de l’extrême droite les citoyens et citoyennes, en particulier nos compatriotes de confession ou de filiation musulmane qui ne supportent plus cette vision humiliante pour les femmes que constitue le voile.

En étant aux côtés de Fanny, en la soutenant, des femmes comme Anne Zelensky et Annie Sugier, ainsi que Riposte Laïque et d’autres, ont sauvé l’honneur du camp féministe et laïque, mais aussi de toute la gauche. Ce sont eux qui, justement, ont empêché que l’extrême droite n’occupe seule un terrain abandonné par le mouvement social.

Fanny a décidé, quand son énergie ne sera plus absorbée par son procès, de militer activement pour la cause des femmes. Nous pensons que la solidarité qu’elle a rencontrée, sur le terrain, dans les Vosges, de la part d’Annie, d’Anne, de Pascal-Mohamed ou de Pierre ont été plus utiles à cette cause que certains procès qu’on lui intente depuis Paris.

L’islam est aujourd’hui le fer de lance de l’offensive des Eglises contre le droit des femmes. Tous ceux qui, en France, veulent en finir avec la République et la laïcité, ont intérêt à l’instrumentaliser. Cette donnée, et les questions nouvelles que cela pose, ne peuvent être occultées plus longtemps.

Nous sommes donc disponibles pour poursuivre ce débat qui, au-delà des échanges entre Prochoix et Riposte Laïque, concerne l’ensemble du mouvement social, et du camp laïque et féministe. Mais nous ne sommes pas de ceux qui se laisseront intimider par des anathèmes et des accusations visant à clore le débat avant qu’il n’ait commencé.

Les sollications continuent, et nous accepterons de débattre avec toutes les forces qui nous invitent, sans aucun sectarisme, sauf avec les racistes et les négationnistes.

Nous sentons, dans les réactions que nous recevons, que cette affaire bouleverse de nombreux citoyens qui, instinctivement, ont compris les enjeux. Ils nous remercient de batailler, et nous encouragent. C’est bien, nous recevons des soutiens, mais il en faut encore davantage.
Nous sommes en contact avec des journalistes qui, devant l’énormité de ce jugement, cherchent à comprendre comment on en est arrivé là. Il faut, face au matraquage médiatique orchestré par les amis des islamistes et du Mrap (au fait, savez-vous que la militante islamiste était défendue par l’avocat du Mrap ?) organiser une contre-attaque médiatique. Si vous connaissez des journalistes intéressés, mettez-les en contact avec nous (ripostelaique@orange.fr).

Vous l’avez remarqué, nous ne pouvons compter que sur nos propres forces, mais sommes dotés d’une détermination sans faille, alors, continuez de nous aider, c’est vraiment indispensable, aujourd’hui.

Chèques à adresser à Riposte Laïque, 81, rue Jean de Bernardy, 13001 Marseille.
Bien évidemment, Riposte Laïque apporte tout son soutien financier à Fanny Truchelut.
Pour soutenir Fanny, écrire à l’adresse de Riposte Laïque, mais émettre l’ordre du chèque à Fanny Truchelut, nous lui ferons suivre.

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